MINGJIA

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MINGJIA [MING-KIA]

L’appellation de Mingjia («École des noms») fut donnée a posteriori à un mouvement de dialectique et de sophistique de la Chine classique qui, pour être mal connu et pour avoir été apparemment de peu d’ampleur, n’en a pas moins exercé une influence considérable sur le développement de la philosophie chinoise. Ce mouvement correspond à un effort très particulier entrepris par différents théoriciens, et, semble-t-il, à différentes époques, pour isoler des notions abstraites et des concepts au sein de la langue et de l’écriture chinoises. Ce projet s’avérait difficile, car, en chinois, les caractères de l’écriture sont idéographiques et même pictographiques et manquent de toute flexion grammaticale; il n’y a donc aucun moyen de distinguer, pour les mots pris individuellement, les termes concrets et les termes abstraits (ainsi, dans les langues occidentales, on fait la distinction entre «blanc» et «blancheur», mais, en chinois, ces deux mots sont rendus, dans le langage aussi bien que dans l’écriture, par un seul mot et par un seul caractère: bai ). La difficulté de formuler des notions abstraites apparaît dans la proposition, célèbre entre toutes, du philosophe Gongsun Long: «Un cheval blanc n’est pas un cheval (baima fei ma ) [...] Le mot «cheval» indique une forme, «blanc» indique une couleur. Ce qui indique une couleur ne peut indiquer une forme. C’est pourquoi je dis qu’un cheval blanc n’est pas un cheval.»

C’est par ce biais laborieux que les dialecticiens chinois arrivent à la notion de concept, d’idée ou d’essence (zhi ) en opposition avec les choses actuelles et particulières (shi ). Le sophisme de Gongsun Long se propose seulement d’établir cette différenciation. Mais sa proposition célèbre ne vient qu’à la suite d’une longue élaboration de la pensée chinoise. Bien avant Gongsun Long, des «discuteurs» (bianzhi ), théoriciens et dialecticiens, savaient discourir sur les lois de la morale et de la politique, devant les seigneurs de la Chine féodale. Un des problèmes principaux, sans cesse soulevés, fut celui de la «rectification des noms» (zhengming ), lié aux situations rituelles. Confucius avait exprimé cette préoccupation en disant: «Si les noms ne sont pas corrects, le langage n’est pas en accord avec la vérité, et, dans ce cas, aucune chose ne peut être accomplie. Corriger les noms suppose que chacun se conforme à ce qu’il est», c’est-à-dire, pour Confucius, «que le père se conduise en père, le fils se conduise en fils, le seigneur en seigneur», etc. Or, cette réflexion sur le rapport entre les noms (ming ) et la réalité qu’ils sont censés définir donna rapidement naissance à des spéculations sur la relation entre les «noms» et les «formes» (xingming ).

L’école de Mozi fut la première à développer une logique à propos des noms, ce qui lui permit d’affirmer l’existence d’une transcendance universelle et de prôner l’abolition des distinctions de classes ainsi que du rituel par lequel ces distinctions trouvaient leur expression. Les sophistes postérieurs, tels Gongsun Long et Hui Shi, bien que ne faisant pas partie du mouvement mohiste, conservèrent cependant plusieurs de ces idéaux: Hui Shi proposait la suppression des dignités, l’amour universel et l’anti-agression; Gongsun Long partageait les thèses antimilitaristes de Hui Shi. La dialectique du principe absolu, de l’universalité des concepts et de la relativité des données immédiates, ainsi que le raisonnement par paradoxes, typiques de ces systèmes logiques, se perpétuaient dans d’autres domaines de la pensée chinoise, le taoïsme. Les formes de discours très particulières aux sophistes se retrouvent, en effet, dans le Laozi , afin d’approcher de la définition du Dao, principe transcendant et immanent de toute chose. Il n’est donc pas étonnant que la source principale des discours et théories de Hui Shi (dont aucun texte indépendant ne subsiste) ne soit autre que le Zhuangzi . Le regain d’intérêt pour la philosophie taoïste, au IIIe siècle, au sein du Xuanxue, s’accompagna d’une vogue nouvelle du sophisme.

D’une façon analogue à Gongsun Long, les lettrés de cette époque se passionnaient pour les «principes et les noms» (liming ). Or, c’est précisément dans ces milieux que le bouddhisme se propagea d’abord en Chine. La sophistique du m dhyamika trouvait là un terrain tout préparé et, pendant longtemps les bonzes devaient, pour expliquer la sophistique indienne, avoir recours aux procédés logiques du Mingjia.

Encyclopédie Universelle. 2012.

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